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Passerelles / La lettre / Numéro 33 - octobre 2015

3 questions à Michel Faroux, DGA du Crédit Agricole Nord de France, « accompagnateur » de thèse

Les sujets de thèses professionnelles sont co-définis entre l’École, l’étudiant et son entreprise. Quels ont été les paramètres de choix du sujet et comment êtes-vous personnellement intervenu dans cette définition ?

MF - Nous avons validé la proposition de sujet de Jean* parce qu’elle était directement en lien avec la stratégie de l’entreprise. Il ne s’agissait pas d’une réflexion prospective mais bien d’un sujet lié à une actualité précise, presque brûlante, pour nous. Au cours de l’année 2004, le groupe Crédit Agricole a décidé de faire de l’immobilier son troisième métier, à côté de la banque et de l’assurance. À l’époque, les caisses régionales ont en effet considéré qu’il était légitime pour le banquier que nous sommes de vouloir élargir son offre de services pour être aux côtés de ses clients dans la gestion de leur patrimoine financier, bien sûr, mais également de ce qui constitue les 2/3 du patrimoine des Français – leurs avoirs immobiliers.

Comme beaucoup de caisses de Crédit Agricole, nous avons donc investi dans la chaîne de valeur de l’immobilier – transactions administration de biens, mais aussi promotion, accompagnement du logement social, etc. Puis, comme la plupart, nous avons été pris à contre-pied par la crise de l’immobilier. Depuis près de 2 ans, nous repositionnons notre stratégie afi n de reprendre le fil d’un fonctionnement commun entre les métiers de la banque et de l’assurance et les métiers de l’immobilier.

En effet, avec 25 % de parts de marché, ce sont plus d'1 million de clients dans notre région qui ont, tout au long de leur parcours de vie, besoin d’acheter leur résidence principale ou secondaire, d’investir pour compléter leur retraite, de revendre la maison qu’ils ont héritée de leur grand-mère, de trouver un prestataire pour gérer leurs biens immobiliers, de faire un investissement à Lille pour loger leur fi ls qui va y faire ses études, etc. Bref, une multitude d’étapes de vie qui justifie que nous, banquiers, soyons en mesure de leur proposer une offre de services complémentaire. Le fondement de notre réflexion était donc d’examiner les façons de faire travailler ensemble réseaux de banque assurance et réseaux immobiliers.

Lorsque nous avons validé le sujet de Jean, nous étions au cœur de cette réorientation stratégique qui passait aussi par des changements d’hommes, de structures juridiques, de marques, d’outils informatiques, de système comptable… : la réflexion menée dans le cadre de sa thèse nous apportait des éclairages complémentaires en même temps que nous avancions sur le terrain.

Pendant que l’équipe à la manœuvre pour cette migration avait « le nez dans le guidon », nous avions besoin d’une vision extérieure que Jean en travaillant avec nos équipes nous a apportée.

Un autre paramètre a joué dans le choix du sujet : il nous semblait important que Jean fasse sa thèse en dehors de son terrain habituel, afin de jauger sa polyvalence, son adaptabilité, sa capacité à s’ouvrir l’esprit sur des sujets différents de ceux touchant à son métier. Son domaine de compétence, dans lequel il excelle, c’est le marché des entreprises. Nous souhaitions le sortir de son cadre pour pouvoir juger de son aptitude à s’adapter à un sujet nouveau, à le mûrir et, bien sûr, à générer des idées nouvelles. Lui-même d’ailleurs est très vite arrivé à la même idée. Ce parti pris de départ lui permettait de sortir de la routine et de tenir un discours plus libre que s’il avait été face à sa hiérarchie habituelle.

Le sujet a ensuite été validé par son directeur de thèse et par l’ESSEC. Puis, parallèlement aux rendez-vous réguliers qu’il avait avec les interlocuteurs utiles dans l’entreprise (voir infra), Jean a travaillé avec son directeur de thèse pour valider les options qu’il prenait, pour caler son plan et les éléments de sa réflexion ainsi que le cheminement général de sa thèse.

Qu’avez-vous retiré de cette expérience « d’accompagnateur » de thèse et de membre du jury ?

MF - Le terme d’« accompagnateur » traduit bien le rôle que j’ai joué auprès de lui. Indépendamment de nos rendez-vous réguliers, je l’ai mis en contact avec des collaborateurs, les patrons de domaines des structures immobilières (directeur des transactions, directeur de l’administration des biens, directeur des synergies avec les banques…), et il rencontrait bien sûr le DG de la caisse régionale pour croiser les visions stratégiques…

Pour ce qui est de l’apport personnel d’un tel accompagnement, j’ai très longtemps enseigné à des jeunes au cours de ma vie professionnelle : j’ai toujours considéré que cela constitue un formidable outil d’enrichissement pour l’enseignant lui-même, parce que cela lui permet de structurer sa pensée, de se reposer des questions et se remettre en cause, de rechercher des réponses à des questions qu’il ne s’est parfois pas posées. Jean nous amenait progressivement à nous interroger autrement sur la manière d’approcher une offre conjointe entre l’immobilier et les métiers de la banque, en prenant les choses par le prisme réglementaire, certes, mais également en repartant de l’attente client : comment faire bénéficier ledit client d’une complétude d’offres, comment améliorer la lisibilité de cette offre, comment l’orienter vers le bon spécialiste… ?

La thèse trouve-t-elle des prolongements opérationnels au sein de l’entreprise ?

MF - Oui, clairement. L’objectif était bien à la fois de permettre à Jean de progresser dans son parcours personnel, de montrer ses capacités – ce qu’il a fait – et, dans le même temps, de retirer un bénéfice pour l’entreprise, de faire en sorte que le travail mené nous permette de progresser. Pour donner un seul exemple, dans le cadre de sa thèse, Jean est parti d’une approche très large – comment faire de l’immobilier le 3e métier de la banque ? – pour ensuite focaliser sur la vente d’immobilier neuf, qui est l’un des services que nous souhaitons développer encore plus auprès de nos clients. Au cours de son travail, il a constaté que bien souvent nos commerciaux sont un peu démunis pour argumenter leur scénario de vente avec les clients, notamment au regard des impacts fiscaux d’un investissement dans le neuf avec la loi Pinel, de la rentabilité du bien, des perspectives de revente. Aussi Jean a monté un petit outil informatique sur Excel, un simulateur d’investissement qu’il a mis à disposition de la banque, que nous avons testé et dont nous ferons probablement bénéficier l’ensemble de nos commerciaux. C’est bien l’illustration que sa thèse, au-delà d’un beau travail universitaire (en tant que produit de l’université moi-même, je n’y mets aucune connotation péjorative, bien au contraire !) constitue un vrai travail d’application concrète.

*Jean Boutoille a soutenu sa thèse en mai 2015. Il est sorti 2e de la promotion 2015 du MS Senior Management bancaire/CESB Management. Il est également major de la promotion 2011 de l’ITB.


Cérémonie de remise des diplômes du Mastère Spécialisé Senior Management Bancaire CESB Management - promotion 2015
Au premier rang, de gauche à droite autour de Vincenzo Espositi-Vinzi, doyen des professeurs de l'ESSEC (au centre) : Sandrine Layec, Jean-Claude Thomas, Groupe CFPB – Wolfgang Dick, ESSEC - Michel Piano, Marc Bielle, Groupe CFPB - Valéria Goupil, ESSEC.