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Passerelles / Les cahiers / Numéro 10 - mai 2015

Le regard du CFPB : création continue pour formation permanente

Michel Piano

Directeur général du CFPB

Il est beaucoup question de grands changements en matière de pédagogie dans le domaine de la formation professionnelle. À quoi les attribuer, selon vous ?
Aux changements générationnels, aux technologies ?

N’oublions pas qu’il y a eu des explosions d’imagination dans le passé. Pensez à l’École pour tous à la fin du 19e siècle, c’était révolutionnaire ! Et nous pouvons remonter facilement jusqu’aux Lumières ! Je ne remets pas en question les bouleversements actuels, je les relativise…
Pour moi, la question de base, c’est : à quoi sert la formation ? Sur un plan cognitif, j’adhère au principe affirmant que tout le monde peut apprendre. À condition que l’apprentissage ne soit pas perçu comme douloureux ou contraint et qu’il ait un but motivant. Ensuite se pose la question : comment apprendre ? Dès lors que l’objectif est valorisant – par exemple pour réussir une reconversion, obtenir une promotion, une meilleure rémunération et exercer une activité plus intéressante – il reste à se pencher sur l’efficacité, la rapidité d’acquisition des connaissances et l’importance du contrôle des acquis. Au CFPB, nous constatons que les individus qui saisissent toute la valeur d’une formation et d’un diplôme pour la progression de leur carrière sortent majors de leur promotion. Pour ceux-là, la façon dont on leur enseigne, classe inversée ou autre, n’a guère d’importance… En revanche, pour la grande majorité des apprenants comme pour les jeunes, la réflexion s’impose sur les modalités d’apprentissage : il faut les intéresser. Ce n’est pas essentiellement une question de génération, mais plutôt une question d’environnement, caractérisé par un flux d’informations qui nous parviennent de tous côtés. Si nous ne les intéressons pas, ils ne viennent pas ou ne se mettent pas au travail.

La pédagogie doit donc se préoccuper de la façon de mieux capter l’attention des appre- nants. Nous en arrivons ainsi au digital - parce que tel est l’univers surinformé dans lequel nous baignons tous - et aux aspects ludiques, voire esthétiques, d’une formation : une tablette, c’est beau !

Comment se traduit cette évolution pédagogique ?

Les progrès pédagogiques portent sur l’élaboration de séquences courtes, avec des variations fréquentes qui éveillent l’intérêt et déclenchent le plaisir, l’étonnement. Le reste est affaire d’outils puisque l’apprentissage par le jeu existait avant le numérique.
En revanche, ce qui modifie vraiment la pédagogie, ce sont les classes virtuelles parce qu’elles permettent de s’adresser à chacun et cela de façon systématique et individuelle. Sur un autre registre, nous observons que les alternants valorisent beaucoup le tuteur, celui qui accompagne, qui aide à s’intégrer. On ne peut pas être seul dans sa formation. C’est l’un des invariants. La différence aujourd’hui, c’est la systématisation de cet accompagnement.

Le CFPB est l’organisme de formation des banques et travaille en fonction de leurs besoins. Comment qualifieriez-vous ces besoins aujourd’hui ?

Les banques ont énormément évolué ces dernières années : elles ont dû intégrer les effets de la crise, les nouvelles règlementations, une nouvelle approche client et par conséquent une nouvelle approche de la formation. Ce qui compte pour elles, c’est de s’assurer que les connaissances sont bel et bien là, que les collaborateurs ont acquis les compétences visées. Une structure qui ne parviendrait pas à former correctement ses collaborateurs, à les accompagner dans un contexte fortement concurrentiel serait en fâcheuse posture. Autre enjeu de taille : l’autonomie intellectuelle des collaborateurs. En effet, les banques recrutent de plus en plus de bac + 3 et bac + 5 qui viennent avec des acquis, des méthodes, des envies, des idées… Elles doivent sus- citer leur intérêt et donner des signes de reconnaissance. D’autant plus que les émotions, elles, ne changent pas : ce besoin de reconnaissance l’atteste. La banque de détail se retrouve aujourd’hui seule face à ses objectifs, dans un contexte concurrentiel qui se durcit. Elle doit se recentrer sur les clients qui eux-mêmes ont changé. Or, le conseiller ne peut traiter tous les clients de la même façon, il doit d’abord les connaître. En formation, cela se traduit par « comment mieux connaitre et suivre un client ? » Il faut également trouver d’autres réponses pour accompagner la diversité des âges, du côté des clients comme du côté de l’établissement bancaire d’ailleurs. Et si le conseiller ne sait pas faire, il demande à un autre collaborateur. L’approche est désormais plus globale. Au-delà de la compétence, les banques prennent plus que jamais en compte les émotions. On ne fait pas n’importe quoi avec n’importe qui.

Qu’entendez-vous par prendre en compte les émotions ?

Les clients ont des parents âgés ou des enfants tout petits, par exemple. Ce que je veux dire, c’est qu’ils sont faits de considérations affectives, comme nous tous. Ils sont anxieux. Ou dispendieux. Ou autre… C’est cette réflexion sur l’aspect humain qu’il faut susciter chez les conseillers. Dans les deux ou trois ans qui viennent, tous les collaborateurs d’une banque devront avoir compris que ce client, déjà informé via Internet, arrive en agence avec ses besoins, ses envies, ses peurs, ses plaisirs. Les conseillers devront identifier ces états, ces affects et les prendre en compte pour y répondre au mieux. Ils devront aussi savoir gérer la situation des personnes en difficulté. Savoir faire face aux incivilités. Tout cela s’apprend. Tous les collaborateurs d’un établissement bancaire doivent marcher de concert, incluant également le back- office. Cette démarche de coopération s’apprend elle aussi.

Comment situez-vous le CFPB dans cette évolution des approches de formation ?

Le CFPB a tous les moyens à sa disposition : des formations diplômantes aux formats divers, l’alternance, les certifications inscrites au RNCP, la capacité à gérer des formations courtes via des supports novateurs comme les classes virtuelles, l’ensemble sous le signe de la qualité : je rappelle que le CFPB a vu renouveler sa qualification OPQF*. Nous sommes en mesure d’occuper toutes les cases de la matrice. Il en va des techniques bancaires comme du travail des ingénieurs : les personnes diplômées il y a 10 ans sont dépassées aujourd’hui si elles ne se forment pas régulièrement. Nous devons nous former en permanence car l’expérience quotidienne ne suffit plus. Mais il faut aussi — et c’est peut-être même plus important encore que la technique — fournir aux personnes des clés, des méthodes de travail. Le CFPB, conscient des changements en marche, axe donc ses efforts sur le comportemental, en référence à ce que j’ai évoqué sur les mutations de la fonction de conseiller, et sur la digitalisation. Nous sommes aujourd’hui en création continue. Et bienvenue aux collaborateurs acteurs de leur carrière et de leurs apprentissages.

Et au-delà du CFPB ? Comment voyez-vous évoluer la formation professionnelle, notamment à l’aune de la loi de mars 2014 ?

Je repère deux éléments forts dans l’évolution de la formation professionnelle. Premier point : l’individu est enfin revenu au centre de la formation.
Secundo, tout se met en place pour valoriser la qualité. L’idée, c’est une formation de masse avec un objectif de réussite individuelle qui soit mesurable, car le but est bien de s’assurer que les personnes ont acquis les connaissances et compétences, sont prêtes à affronter l’avenir et à faire preuve d’agilité.

* Office professionnel de qualification des organismes de formation